Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 15 juin 2016
N° de pourvoi 15-86.043
Est-il possible de transcrire une conversation entre un avocat et son client, lorsque cette dernière est interceptée régulièrement dans le cadre d’une procédure d’instruction ?
La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, par un arrêt en date du 15 juin 2016, rappelle les principes applicables en la matière – et les effets d’une transcription abusive.
Rappelons que l’Avocat est soumis au secret professionnel, vis-à-vis de son client, et vis-à-vis des dossiers dont il à connaître.
Rappelons également que la relation entre l’Avocat et son mandant est protégée par le secret – que leurs communications, épistolaires ou téléphoniques, le sont également.
Il s’agit de garantir la plénitude d’exercice des droits de la Défense.
L’article 100-5 3° du Code de Procédure Pénale, relatif à l’interception des correspondances dans le cadre de l’information judiciaire affirme très clairement la prohibition d’une telle pratique :
« A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat relevant de l’exercice des droits de la défense »
A contrario, peuvent être transcrites les correspondances avec un avocat, qui ne relèvent pas de l’exercice des droits de la Défense.
Il s’agit alors de délimiter ce qui relève dudit exercice, et ce qui en est exclu.
La Cour de Cassation rappelle le principe selon lequel les interceptions ne peuvent être versées à la procédure d’instruction qu’exceptionnellement, si, et seulement si, la teneur de la conversation téléphonique laisse présumer la participation de l’Avocat à la commission d’une infraction pénale – à défaut, l’annulation de la transcription doit être prononcée, ce qui implique l’annulation de l’ensemble des actes subséquents, dont elle serait le support nécessaire.
Dans le cas d’espèce, des conversations téléphoniques entre l’Avocat de la Défense et son client ont été interceptées puis transcrites.
La teneur de ces conversations a amené les enquêteurs à organiser une surveillance devant le Cabinet de l’Avocat concerné.
La Cour d’Appel avait annulé certaines transcriptions, au motif que celles-ci relevaient de l’application des dispositions de l’article 100-5 du Code de Procédure Pénale ; il avait été considéré par les Juges du Fond que la teneur des écoutes ne permettait pas de présumer la participation de l’Avocat à la commission d’une infraction.
Pour autant, elle n’avait pas annulé le procès-verbal de surveillance, pourtant consécutif de la transcription des écoutes téléphoniques.
La Cour de Cassation censure – la mise en place de la surveillance a pour support nécessaire les transcriptions annulées.
Elles ne peuvent donc survivre à leur annulation.
D’ailleurs, la validité de la transcription doit être appréciée à l’instant de l’écoute – la découverte d’éléments postérieurs, pouvant laisser supposer la participation de l’Avocat à des infractions pénales, n’est pas de nature à conférer un caractère légal, à postériori, aux procès-verbaux de transcriptions dont il ne ressortait la participation à aucun agissement délictueux.
Et dans la pratique ? Quid des suites de l’information après l’annulation d’un acte dont tous les acteurs judiciaires ont pris connaissance, avant qu’il ne soit rétroactivement anéanti ?
Il est assez évident que l’enquêteur ne se défera jamais de ce qu’il a pu entendre et qu’il a cru bon de transcrire comme ayant un intérêt pour l’information ; il est également d’évidence que la nullité d’un acte, et son retrait de la procédure, n’est pas de nature à effacer son contenu de la mémoire du Magistrat instructeur.
Il s’agit là des problématiques générales liées aux nullités de procédure – l’ensemble des protagonistes du dossier pénal ont connaissance d’un acte qui, juridiquement, n’existe plus, mais dont la seule mémoire permet souvent de donner une orientation au dossier.
Alors que sa nullité voudrait qu’il n’en fût pas tenu compte.
Et nécessairement, c’est également la question générale de l’écoute de conversations entre un Avocat et son client qui pose difficulté, au-delà même de la problématique de sa transcription, et de la potentielle nullité de celle-ci.
La confidentialité des échanges entre cet auxiliaire de Justice et son mandant est le corolaire nécessaire de l’exercice, plein et entier, des droits de la Défense.
Il en va d’une bonne Justice.