L’article 60 du Code Civil disposait jusqu’à présent ainsi :
« Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut pareillement être décidée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis. »
Le requérant devait donc avoir recours à une procédure sur requête, avec représentation obligatoire par Avocat.
Il devait justifier d’un intérêt légitime, apprécié par le Juge aux Affaires Familiales, après réquisitions du Parquet, à changer de prénom.
Par exemple, être connue de tous et depuis longtemps comme étant « Monique » ou « Sylvie », tout en étant pourtant « Yvette » aux yeux de l’Etat Civil.
Ou par exemple pour des motifs religieux ou identitaires, sans que la demande ne puisse être accordée pour de pures convenances personnelles.
La frontière entre intérêt légitime personnel, et convenance personnelle, est parfois mince, convenons-en.
Mais devait être souverainement appréciée par le JAF, qui faisait droit, ou non à la requête présentée.
Cet article a été modifié par la loi dite J21 n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de Modernisation de la justice du 21ème siècle.
Désormais, l’article 60 du Code Civil est ainsi rédigé :
« Toute personne peut demander à l’officier de l’état civil à changer de prénom. La demande est remise à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu où l’acte de naissance a été dressé. S’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, la demande est remise par son représentant légal. L’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms peut également être demandée.
Si l’enfant est âgé de plus de treize ans, son consentement personnel est requis.
La décision de changement de prénom est inscrite sur le registre de l’état civil.
S’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime, en particulier lorsqu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille, l’officier de l’état civil saisit sans délai le procureur de la République. Il en informe le demandeur. Si le procureur de la République s’oppose à ce changement, le demandeur, ou son représentant légal, peut alors saisir le juge aux affaires familiales. »
Le législateur a donc confié à l’Officier d’Etat Civil la charge de recevoir les demandes en changement de prénom, d’en assurer la transcription au registre de l’état civil, mais surtout de vérifier l’opportunité de la demande, en veillant à l’existence de l’intérêt légitime, jusque lors appréciée par l’autorité judiciaire.
L’Officier d’Etat Civil qui douterait d’un tel intérêt, notamment lorsque la demande est susceptible d’être attentatoire à l’intérêt de l’enfant dont le changement de prénom est sollicité, ou aux droits des tiers, saisira le Procureur de la République.
En cas d’opposition du Procureur, le justiciable, son représentant légal, ou son tuteur, basculeront alors sur une procédure sur requête, devant le Juge aux Affaires Familiales – préalable nécessaire avant la réforme à tout changement de prénom.
L’attribution de cette nouvelle prérogative à l’Officier d’Etat Civil semble tout à fait naturelle.
En effet, souvenons-nous que celui-ci dispose d’ores et déjà de pouvoirs similaires en matière de prénom de l’enfant tel que déclaré à la naissance par son ou ses parents.
L’article 57 du Code Civil lui permet, s’il estime que le ou les prénoms donnés à l’enfant par ses parents, sont contraires à son intérêt, ou au droit des tiers à voir protéger leur nom de famille, de saisir le Procureur de la République, qui peut saisir à son tour le JAF, s’il partage l’avis de l’Officier d’Etat Civil.
C’est l’autorité judiciaire qui apprécie in fine la conformité du choix du prénom à l’intérêt de l’enfant.
Rappelons-nous, pour exemple, de l’affaire de l’enfant « Mohamed Nezar Merah », dont la naissance a été déclaré en Mairie de NICE en fin d’année 2016 – et qui avait donnée lieu à la saisine du Parquet par l’Officier d’Etat Civil.
L’Officier d’Etat Civil était donc, bien avant la réforme J21, détenteur d’un pouvoir d’appréciation, quant à la préservation de l’intérêt de l’enfant et des droits des tiers.
C’est donc assez naturellement que les procédures en changement de prénom lui ont été dévolues dans le cadre de J21.